
Dans le paysage médiatique actuel au Burundi, la communication institutionnelle est plus qu’un simple échange d’informations ; c’est un élément clé pour construire une société démocratique solide et informée. Le processus de construction de la démocratie exige une réflexion profonde sur les valeurs fondamentales qui édifient une bonne culture démocratique. Ainsi pour une préparation apaisée des élections prochaines au Burundi, la promotion de l’accès à l’information ne saurait être abordée sans souligner l’importance et la nécessité de la transparence, de la confiance mutuelle et de la collaboration entre les médias et les institutions étatiques
Le Forum National, un cadre de dialogue : un pas vers la transparence
Dans le cadre du projet d’appui au secteur des médias Phase III financé par la Direction du Développement et de la Coopération (DDC) de la Suisse et mis en œuvre par le CENAP, un Forum National a été organisé, ce 4 avril 2025, avec comme objectif principal de renforcer la collaboration entre les médias et les institutions publiques. Ce cadre d’échange, d’envergure national, fait suite à la série de réunions provinciales[1] tenues à travers tout le pays en collaboration avec le Ministère de la Communication, Technologies de l’Information et Médias (MCTIM). Inscrites dans le cadre du projet d’appui aux médias, ces réunions provinciales ont été organisées dans la perspective de rétablir la confiance entre les médias et les institutions, une confiance fragilisée depuis 2015. Le Forum National a ainsi été une opportunité pour restituer les principales leçons apprises et recommandations issues de ces réunions, mais aussi pour discuter de la collaboration et de la transparence en amont des prochaines échéances électorales.
En collaboration étroite avec le Ministère de la Communication, Technologies de l’Information et Médias (MCTIM), différents acteurs clés étaient invités dans le Forum National, incluant les responsables de différents médias publics et privés du Burundi et des organisations des professionnels des médias mais aussi les différentes institutions dont la Présidence (le Secrétariat général du gouvernement ; les Bureaux des chargés de la communication de la présidence, la Vice-présidence et la Primature ; le Conseil National de la Communication), les ministères (le Ministère de la Communication, Technologies de l’Information et Médias ; le Ministère de l’Intérieur et de la Formation Patriotique ainsi que le Ministère de la Justice ainsi que le Ministère des Finances), les parties politiques (CNDD-FDD, UPRONA, FRODEBU, CNL, Coalition Burundi Bwa Bose et le Forum des Partis Politiques), les gouverneurs des provinces, les représentants des commissions et conseils principaux comme la Commission Electorale National Indépendante (CENI), Commission Nationale Indépendante des Droits de l’Homme (CNIDH), les gouverneurs des provinces, les représentants de la police (notamment la Direction Nationale de la police ainsi que les commissaires régionaux), les porte-paroles (CENI et tous les ministères), les confessions religieuses ainsi que les associations de la société civile.
L’objectif principal du Forum était de contribuer au renforcement de la collaboration entre les médias et les sources d’information pour produire des informations de qualité sur le processus électoral. En effet, en période électorale, l’accès libre et professionnel aux sources d’information est crucial pour assurer une démocratie saine et transparente. La Directrice du CENAP a, dans son discours, souligné l’importance de garantir un accès équitable à une information objective, surtout en période électorale : « Les journalistes, en travaillant avec neutralité et professionnalisme, peuvent permettre à la population d’accéder à une information juste et en temps réel. ». La Ministre de la Communication a également souligné l’importance de la collaboration et d’une communication claire pour éviter les discours de haine et la désinformation : « Conscients de ces fléaux, nous devons jouer un rôle actif pour les contrer efficacement et barrer la route à toutes les formes de discours nuisibles en adoptant une communication claire, inspirante et respectueuse. » La Ministre a également rappelé le rôle essentiel des médias dans la réalisation des objectifs de développement du Burundi, en particulier la vision de devenir un pays émergent d’ici 2040 : « Cette vision exige des médias professionnels et des communications clairs, mettant en lumière les chantiers en cours et les opportunités offertes dans chaque secteur.«
La promotion de l’accès à l’information : un enjeu majeur pour les médias et les institutions publiques
Ce forum est une étape cruciale pour renforcer la confiance et lutter contre la désinformation, en particulier avant les élections législatives et communales de 2025. Les discussions ont également confirmé l’urgence de garantir à la population burundaise un accès équitable à une information objective, professionnelle et fiable. Le Consultant Remy Nkengurutse a rappelé que lors des réunions provinciales, les participants ont reconnu que toute vérité n’est pas nécessairement bonne à dire, surtout en période de crise ou de guerre. Certaines informations délicates doivent être analysées par les responsables sectoriels avant leur diffusion. Il est également important de se demander si une information contribue positivement au bien-être de la population.
Parlant de la formation et du professionnalisme, les journalistes et leurs sources d’information sont au service d‘une même population. Cependant, le manque de professionnalisme peut créer de la peur et des rivalités plutôt que de renforcer la complémentarité. De nombreux journalistes ont acquis leurs compétences sur le terrain, ce qui souligne la nécessité de formations continues, de recyclage et de renforcement des capacités. Un appui financier aux médias est également crucial pour assurer leur indépendance et leur professionnalisme. Ce qui a rejoint les avis du Consultant Jerôme Niyonzima qui fait le bilan des défis persistants et nuisibles et pour les médias et les institutions : la méfiance de 2015 de la part des institutions, la peur des médias après 2015, la prédominance de la rumeur et de l’intox, certaines acteurs politiques qui prennent les acteurs médiatiques pour des opposants, la régulation rigoureuse du CNC, les ressources humaines des médias insuffisants.
Abordant les causes et risques de la rétention de l’Information, l’Abbé Dieudonné Niyibizi a souligné dans son exposé que ce phénomène peut engendrer la méfiance envers les institutions, favoriser la désinformation et restreindre le droit à l’information. Pour prévenir de telles dérives, il a insisté sur la nécessité, pour les institutions, d’instaurer une culture de transparence et de redevabilité : « Les institutions sont responsables de leurs actions devant la société et leur communication doit tenir compte de cette responsabilité. ». Les médias, quant à eux, doivent adopter des pratiques professionnelles et collaboratives pour garantir une information fiable et de qualité : « Les journalistes doivent traiter l’information avec professionnalisme et non tendre des pièges aux institutions. »

Concernant les porte-parole et le rôle des médias de proximité, il a été recommandé que les techniciens de terrain puissent livrer l’information de première main, sauf pour des cas sensibles liés notamment à la sécurité ou à la justice. Les porte-parole des ministères, quant à eux, doivent éviter de retarder l’information en limitant les allers-retours inutiles vers les mêmes sources pour des précisions. Il a été également souligné l’importance de renforcer les capacités aussi bien des journalistes que des sources d’information par le biais des formations régulières afin d’éviter les comportements non professionnels susceptibles de générer de la peur, de la méfiance ou des rivalités, au lieu de promouvoir la complémentarité entre les deux parties.
Les participants ont, enfin, abordé les traumatismes causés par des crises du passé, encore présents tant chez les journalistes que chez les autorités politico-administratives. Ils ont, pour cela, plaidé pour une rupture claire entre la période de conflit et celle de post-conflit afin d’adopter des postures plus ouvertes, apaisées et constructives.
Le travail de reconstruction de la confiance pour une information de qualité
En vue de faciliter une synergie efficace entre les médias et les institutions, le gouvernement du Burundi a instauré l’institution des porte-paroles en vue de renforcer la communication institutionnelle et de consolider le lien entre les institutions publiques et la population. Pour atteindre pleinement cet objectif, Il est crucial que cette structure entretienne des relations solides avec les médias, véritables relais d’informations entre les autorités et les citoyens. Madame la Ministre a noté que des défis subsistent quant à l’accès aux sources d’information. Elle a encouragé tous les participants à considérer ce forum comme une véritable plateforme d’échange et de contribution, afin de renforcer la culture de fournir des informations utiles aux populations : « Je vous encourage tous à considérer ce forum comme une véritable plateforme d’échange et de contribution, afin de renforcer la culture de fourniture d’informations utiles aux populations. »

Pour renforcer la collaboration, il a été recommandé de créer des plateformes de communication, comme des groupes WhatsApp, entre les journalistes et les responsables des services décentralisés de l’État. Là où ces plateformes existent déjà, il est important de multiplier les opportunités de rencontres informelles pour favoriser la socialisation et la confiance.
Les institutions publiques sont encouragées à maintenir des canaux de communication ouverts et sécurisés, à diffuser des résultats électoraux authentiques, et à renforcer la confiance envers les porte-parole en clarifiant leurs missions et en les organisant efficacement. Elles doivent respecter le cadre juridique régissant l’accès à l’information, considérer l’information comme un bien commun, et promouvoir de bonnes relations entre les porte-parole et les médias. De plus, elles doivent créer un cadre juridique spécifique pour la communication institutionnelle, promouvoir la transparence tout en protégeant l’institution, et protéger les acteurs médiatiques contre la manipulation politique, la violence et l’autocensure. Les institutions doivent également accepter le débat avec les médias, faciliter l’accès des journalistes aux sources d’information, et améliorer le climat d’échange entre les médias et les institutions.
Les médias sont invités à être justes et équitables envers tous les acteurs politiques, à analyser soigneusement les faits avant de les relayer, et à diversifier leurs sources d’information pour améliorer la qualité du journalisme. Ils doivent promouvoir le journalisme d’investigation, collaborer entre eux pour une communication ouverte, et décrypter les événements pour fournir des informations équilibrées et non sensationnelles. Les médias doivent traiter l’information de manière professionnelle, respecter les principes de l’éthique journalistique, diffuser des informations de qualité, et accepter la part de vérité dans les dires des autres. Ils doivent également rester vigilants contre les mauvaises informations, respecter les lois sur l’accès à l’information, défendre l’indépendance médiatique, et développer une communication confiante avec les institutions publiques. Les médias sont encouragés à créer des plateformes de communication avec les responsables des services décentralisés, à multiplier les opportunités de rencontres, et à promouvoir la spécialisation des journalistes.
Les parties prenantes (acteurs politiques, sociaux, agents de sécurité) sont encouragées à parler positivement et de manière neutre, à analyser soigneusement les faits avant de les relayer, et à dénoncer les auteurs de messages nuisibles. Elles doivent se concentrer sur les programmes politiques pendant la campagne électorale, sécuriser les acteurs médiatiques, collaborer avec d’autres acteurs électoraux pour garantir le bon déroulement des élections, et promouvoir la responsabilité des leaders politiques.
La Forum aura révélé que la peur et les traumatismes passés sont encore présents chez les journalistes et les responsables administratifs. Le travail de reconstruction de la confiance et de la complémentarité est essentiel. Un principe pour lequel tous les participants se sont engagés à respecter : il est important de privilégier les aspects positifs et les succès pour renforcer la collaboration et assurer une information de qualité.
[1] Six réunions ont été ainsi organisées dans 12 provinces (Bubanza – Cibitoke, Rutana – Makamba, Rumonge – Bururi, Gitega – Karuzi, Muyinga – Cankuzo, ainsi qu’à Ngozi – Kirundo et ont permis aux journalistes et responsables des services publics de ces régions d’évaluer ensemble l’état de leur collaboration